Katherine Lunn-Rockliffe : Le Verso de la page : des images face à la violence historique

Communication au Groupe Hugo du 23 janvier 2016
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Je voudrais considérer les enjeux proprement poétiques du Verso de la page, composé entre 1857-1858. Ce long poème passe souvent pour didactique et est rarement commenté d’une manière détaillée, alors même qu’il s’agit d’une des méditations les plus développées et les plus complexes de Hugo sur la Révolution et le progrès, dans des vers souvent visionnaires. Le Verso exprime avant tout une véritable ambivalence à l’egard de la Terreur. Il ne raconte pas les événements mais réfléchit sur leur sens, les considère à partir de plusieurs points de vue, et essaie de les situer dans un processus plus large. Ce qui m’intéresse chez Hugo est la manière dont il évoque des idées au moyen des métaphores très concrètes, et cette démarche est plus visible dans Le Verso qu’ailleurs dans son œuvre.

Le Verso a un statut particulier, puisqu’il n’a jamais été publié tel quel par Hugo et n’a été reconstruit qu’en 1960 par Pierre Albouy[1]. Le contexte de sa genèse, si bien tracée par Pierre Laforgue, est indispensable à la lecture[2]. Je rappelle brièvement les faits : Le Verso a été à l’origine destiné aux Petites Épopées, comme La Révolution et La Pitié suprême, mais Hugo l’a finalement écarté de ce volume qui allait devenir La Légende des siecles et il en a publié des morceaux isolés à partir de 1870. Le Verso et La Pitié suprême ont tous deux été conçus pour répondre au poème La Révolution, qui tient les rois de l’Ancien Régime responsables de l’exécution de Louis XVI et présente la violence révolutionnaire commme la conséquence du passé.  La Pitié suprême et Le Verso considèrent quant à eux le rapport entre la Révolution et l’avenir. La Pitié suprême appelle le lecteur à pardonner les tyrans et propose donc une manière concrète de sortir de l’enchaînement de la violence à la violence. Le Verso cherche également à comprendre comment le bien pourrait sortir du mal, mais il le fait à partir de toute une série de tentatives d’explication et n’a pas la même unité. Quoique tous ces poèmes sur la Révolution aient finalement été exclus de toutes les séries de La Légende des siècles, La Pitié suprême a été publiée en 1879 et La Révolution dans Les quatre Vents de l’esprit. Pourquoi le Verso a-t-il seul été abandonné? Selon Albouy, La Pitié suprême pense le problème de la violence dans l’histoire d’une manière plus universelle et situe aussi plus précisément la responsabilité[3]. Selon Laforgue, Hugo est avant tout un poète lyrique et sa poésie de l’histoire réussit le mieux quand la position du sujet est bien située, comme dans La Pitié suprême, et dans cette perspective Le Verso «constitue un échec dans l’appréhension de l’Histoire», parce que le poète n’arrive pas à situer le Moi par rapport à l’Histoire[4].

Pourtant, cet échec même fait partie de son intérêt, surtout si l’on accepte que c’est un poème purement philosophique et si l’on porte son attention sur la manière dont la forme poétique module sans cesse la pensée et produit de l’ambivalence. Car Le Verso est un poème plus profondément ambivalent que ne le sont La Révolution et La Pitié suprême, un poème qui met en évidence la dualité des événements et les modalités complexes de la transformation historique. Saisir le rapport entre poésie et pensée est toujours une opération délicate, d’autant plus quand il s’agit de l’expression poétique de contradictions conceptuelles. Par exemple, le lien entre la figure de l’antithèse et la notion de la dialectique est difficile à préciser. Pour Albouy, Le Verso est un poème optimiste qui fait synthèse de la violence et de l’idéalisme : «La structure antithétique correspond précisément à la nature dialectique de la pensée; l’antithèse hugolienne oppose les contraires pour les dépasser dans un dynamisme où ni le mal ni le bien ne persistent tels qu’ils étaient apparus d’abord»[5]. Annie Ubersfeld note pourtant que le mode du passage du mal au bien «n’est jamais perçu clairement»[6]. Laforgue trace une dialectique qui s’impose dans sa troisième phase pour s’effondrer avant la fin[7]. Entre l’optimisme hugolien selon Albouy et la mise en échec de toute dialectique selon Laforgue, je souhaite exposer la façon dont l’ambivalence à l’egard de la Terreur est mise en évidence par des structures rhétoriques et des métaphores qui créent des effets très variés de conflit et de synthèse.

            Il faut d’abord constater que cette ambivalence est mise en évidence par la structure du Verso, qui appréhende la Révolution à partir de plusieurs perspectives différentes. On peut distinguer dans le poème quatre parties. La première présente d’abord la Révolution comme un renouveau nécessaire mais finit par décrire la guillotine et les révolutionnaires d’une manière ambivalente[8]. La deuxième critique très vigoureusement la violence, soutenant qu’elle contamine l’avenir comme la mémoire des révolutionnaires[9]. La troisième partie élabore sur un niveau beaucoup plus abstrait une loi de progrès, partie que Hugo a publié plus tard sous le titre « Loi de formation de progrès » dans L’Année terrible[10]. Malgré cet effort pour comprendre comment le bien sort du mal, il n’y a pas de résolution, et la quatrième partie affirme simplement le besoin d’avancer au-delà de la violence[11].

Le texte trace donc une alternance entre la reconnaissance de la violence dans l’histoire et des appels à une nouvelle clémence. Là où La Pitié suprême prône systématiquement et exclusivement le pardon, Le Verso cherche à comprendre la complexité des situations réelles et ne peut déboucher sur la cohérence d’une seule conclusion. Tour à tour le poème justifie et critique la violence. Il soutient également que la Terreur a été nécessaire et qu’il est maintenant nécessaire d’abandonner la violence. Il faut considérer le poème dans son entier, parce que des extraits pris séparément perdent souvent une grande partie de leur ambivalence. La pensée du poème émerge des contradictions et des parallèles entre des vers parfois lointains. Je vais considérer comment Hugo module sans cesse l’équilibre entre son appel à la clémence et la reconnaissance du rôle de la violence dans l’histoire.    

 

La Logique antithétique

Dans un premier temps je vais consídérer le fonctionnement de la logique antithétique dans les deux premières parties du poème. Albouy constate que Le Verso fait ressortir « la double valeur de tout événement, valeur à la fois positive et négative, qui fait que le mal naît du bien […] et le bien du mal »[12]. Il faut préciser qu’au cours du poème Hugo tente des stratégies très variées pour situer la dualité des événements dans la marche de l’histoire. Parfois il souligne qu’un événement a deux aspects (ou plutôt qu’il est susceptible d’interprétations opposées) et ailleurs il évoque avant tout le processus plus large selon lequel le bien naît du mal, lieu commun dans les réflexions sur la Révolution par de Maistre, Ballanche et Saint-Martin.[13]

Je vais d’abord considérer deux évocations successives de la guillotine, qui ont des manières différentes d’articuler le lien entre la dualité des événements spécifiques et le principe global du progrès. Au commencement du poème, Hugo affirme simplement que l’exécution ouvre la voie à l’avenir :

 

Oui, c’est la seule issue, hommes, ô tristes pas fuyants;

Sortez par ce sépulcre. Ô mystère insondable!

Hélas! c’est du passé la porte formidable!

Entrez dans l’avenir par ce pas sépulcral.

C’est à travers le mal qu’il faut sortir du mal.                       

Le genre humain, pour fuir de la sanglante ornière,

Marche sur une tête humaine, la dernière;

C’est avec de l’enfer qu’il commence les cieux          

 Car l’homme en écrasant le monstre est monstrueux.[14]

 

Le temps présent et les apostrophes situent le poète près des événements, comme s’il justifiait les actions des révolutionnaires en montrant qu’ils n’avaient pas le choix. Ici l’avenir reste à la fois indéterminé et idéalisé. Les affirmations plus universelles, comme dans les vers 5 et 8, ont leurs racines dans la situation immédiate qui se présente aux révolutionnaires. Ces vers articulent une logique que le reste du poème essaiera de développer mais qui sera regulièrement ponctuée par un refus rétrospectif de la violence[15]. Ce passage présente la Terreur d’abord comme un moment sacré et puis d’une manière tout rationelle en soulignant que’elle est produite par les crimes du passé. Pourtant, l’ambivalence est déjà présente: le mot «pas» (vers 4) est à la fois un avancement et une négation, dualité sur laquelle Hugo joue tout au long du poème[16].

Vers la fin de la première partie, la guillotine est dépeinte d’une manière beaucoup plus ambivalente et visionnaire:

 

La Révolution, pressoir prodigieux,

Commença le travail de la sainte récolte,      

Et, des cœurs comprimés exprimant la révolte,

Broyant les rois caducs debout depuis Clovis,           

Fit son œuvre suprême et triste, et, sous sa vis,          

Toute l’Europe fut comme une vigne sombre.

Alors, dans le champ vague et livide de l’ombre,       

Se répandit, fumant, on ne sait quel flot noir,

Ô terreur! et l’on vit, sous l’effrayant pressoir,

Naître de la lumière à travers d’affreux voiles,          

Et jaillir et couler du sang et des étoiles;

On vit le vieux sapin des trônes ruisseler,      

Tandis qu’on entendait l’ancien monde râler,

Et, le front radieux, la main rouge et fangeuse,

Chanter la Liberté, la grande vendangeuse.[17] 

 

Le temps passé indique un changement de perspective – le poète considère le passé maintenant rétrospectivement et saisit la complexité des événements. Ce n’est plus simplement une logique religieuse selon laquelle la mort mène à l’avenir mais plus concrètement la violence qui mène à la liberté. C’est une allusion biblique au pressoir qui reprèsente la colère de Dieu quoique l’agent ici soit une personnification de la liberté[18]. Si généralement la poésie au présent rend la métaphore plus absolue alors qu’une métaphore au passé acquiert la qualité provisoire d’une comparaison, ici les métaphores au passé nous obligent à les considérer avec du recul[19]. Le double aspect des événements est souligné par les parallèles entre la production et la destruction – «récolte» rime avec «révolte», «fangeuse» avec «vendangeuse». Le double sens du verbe «exprimer» dans le vers 3 à la fois célébre la Révolution comme l’expression de la révolte longtemps rêvée par le peuple et critique la violence révolutionnaire comme un mal qui force le peuple à manifester son ressentiment.

La logique selon laquelle le bien sort du mal est beaucoup plus dévelopée que dans le premier extrait et elle s’exprime au moyen de métaphores. L’image du pressoir indique que la Révolution écrase la matière première afin de produire une matière plus précieuse. L’action du pressoir est «triste» mais il en résulte de la lumiére, et ce qui fait le lien entre l’ombre et la lumière dans la série métaphorique est le sang. Dans le vers 8, l’ombre est un liquide et dans le vers 11 la lumière est aussi un liquide. Le lien entre le sang et la lumière est motivé donc par la métaphore courante que la vie est un liquide. Selon cette logique métaphorique, c’est la violence qui permet la transformation de l’ombre en lumière, notion que Hugo hésite à affirmer explicitement. La Liberté personnifiée réunit la lumière et le sang parce que l’esprit rêve l’idéal, mais les mains sont entâchées par l’action. Ces mains ont aussi un double sens, car la Liberté est à la fois bourreau et sage-femme – le vers 10 précise que la lumière naît, ce qui fait partie d’une série de métaphores de la naissance qui marque le poème entier. Par exemple le passage qui suit suggère un parallèle entre l’instrument qui coupe le cordon du nouveau-né et le couperet de la guillotine: 

 

L’être des profondeurs a-t-il donc décrété

[...]

Qu’en ce monde l’idée aussi bien que la chair

Doit saigner, et, touché en naissant par le fer,

Doit avoir, pour le deuil comme pour l’espérance,

Son mystérieux sceau de vie et de souffrance

Dans cette cicatrice auguste, le nombril.[20]

 

Dans l’évocation du pressoir, l’association du sang et des étoiles reprend un lien déjà établi dans La Révolution:

 

Entre les deux sanglants et tragiques pilastres,

La brume s’écartait et l’on voyait les astres.

 

Car, ô nuit! On sentait que Dieu, le grand voilé,

A cette chose étrange et triste était mêlé.[21]

 

Dans La Révolution comme dans Le Verso, Hugo suggère que la violence et l’idéalisme sont impossibles à dissocier. Plus précisément, il évoque ce lien entre la désacralisation du roi et la sacralisation de la Révolution, si bien décrit par Daniel Arras, qui note que «l’instrument en forme de portique au travers duquel s’effectuent ce passage et cet échange en reçoit sa véritable consécration symbolique»[22].

Là où le premier passage au sujet de la guillotine pense la nécessité de la Terreur, le deuxième cumule des juxtapositions de plus en plus extrêmes entre la violence physique et l’idéal de la liberté, au point où l’ambivalence menace le raisonnement qui veut que le bien vienne du mal et rappelle plutôt la représentation critique de la Liberté révolutionnaire dans Odes et ballades: «Le Monstre aux pieds foulait tout un peuple innocent […] Il chancelait, ivre de sang! »[23].

Dans cette première partie du Verso, l’ambivalence s’exprime souvent au moyen d’oxymores, par exemple l’exécution de Louis XVI est un «lugubre enfantement»[24]. L’oyxmore classique résulte d’une contradiction entre deux mots voisins et Hugo nous présente ainsi souvent les aspects contradictoires d’un événement. Il faut distinguer entre l’antithèse et l’oxymore, quand les analyses de l’écriture hugolienne confondent parfois les deux figures, peut-être parce que les définitions de l’oxymore manquent souvent de précision formelle. L’antithèse est une opposition conceptuelle forte qui demeure même si les termes en sont changés[25], tandis que l’oxymore établit une relation de contradiction entre deux termes qui dépendent l’un de l’autre ou qui sont coordonnés entre eux, et donc est beaucoup moins susceptible de paraphrase[26]. Dans un contexte poétique, l’oxymore concilie les contraires et évoque des unités mystèrieuses, là où l’antithèse a tendance à séparer et à analyser les éléments[27]. Léon Cellier montre que l’oxymore est en fait «une négation de l’antithèse, une réduction de l’opposition puisqu’elle réunit les contraires»[28]. Gaudon reconnaît que la poésie de Hugo n’est pas une poésie de la polarisation mais plutôt de la «dépolarisation» qui «surmonte les paradoxes du réel sans les simplifier»[29]. En lisant Le Verso, il est essentiel de distinguer entre l’oxymore et l’antithèse, parce que les transitions entre les deux figures font partie de l’intérêt du poème.

Dans la première partie, les antithèses servent à analyser des événements en distinguant les significations diverses que ceux-ci peuvent avoir – Hugo dit ainsi de la mort de Louis XVI: «C’est la punition; c’est aussi le martyre»[30]. La structure de l’alexandrin souligne l’écart entre ces deux interprétations possibles[31]. L’antithèse sert aussi à évoquer le bouleversement général de la Révolution, par exemple : «Tout un monde surgit, tout un monde s’écroule», qui suggère qu’il n’y a que des extrêmes qui se combattent sans aucun compromis. D’autres antithèses évoquent le chaos de la Révolution et suggèrent même un lien entre les termes opposés, comme «La lumière est accrue et l’ombre est agrandie»[32], une structure poétique déjà utilisée pour décrire la Révolution dans Odes et ballades: «Le jour fit place à l’ombre et la nuit à l’aurore»[33]

            Pourtant, dans cette première partie du Verso, ce sont les oxymores qui expriment l’ambivalence la plus profonde. La structure des vers tels que «Le grandiose est fauve et l’horrible est sublime»[34] souligne la complexité des entrelacs. Malgré la tension sémantique à l’intérieur de chaque hémistiche, les assonances donnent à chacun une unité frappante. De plus, le premier annule une valeur positive tandis que le deuxième affirme une valeur négative ; par conséquent ce vers décrit deux transformations inverses. Il n’exprime pas une opposition fixe mais a son propre dynamisme.

L’équilibre interne des oxymores varie beaucoup selon leur organisation et leur contexte. Le passage sur Marat développe une antithèse simple pour développer une série d’oxymores compliqués:

 

Il est le misérable, il est le formidable;

Il est l’auguste infâme, il est le nain géant;

Il égorge, massacre, extermine, en créant;

Un pauvre en deuil l’émeut, un roi saignant le charme;

Sa fureur aime; il verse une effroyable larme;

Fauve, il pleure avec rage au secours des souffrants![35]

 

Le premier vers juxtapose simplement deux noms antithétiqes pour indiquer deux interprétations opposées de Marat, mais le deuxième consiste en deux oxymores disposées en chiasme – l’échange des attributs souligne la difficulté de dissocier le bien du mal.

L’addition de verbes dans les trois derniers vers complique encore le tableau, suggérant que les actions violentes peuvent servir un projet créateur. Le vers 4 sépare la pitié envers les pauvres et la haine envers les rois, mais les vers qui suivent soulignent que ces sentiments sont indissociables, que la pitié elle-même devient violente. L’ambivalence de Hugo au sujet de Marat se résume dans cet oxymore frappant:

 

Il fait à cette foule, à cette nation,

A ce peuple, un salut d’extermination.[36]

 

Hugo joue sur les trois sens du mot salut: salutation, rédemption et sauvegarde (ce dernier rappelant bien-sûr la Comité de salut public). Est-ce que ces vers suggèrent la nécessité de la violence pour accéder à l’idéal, ou est-ce qu’ils soulignent plutôt que l’idéalisme de Marat est fondamentalement violent? Quoique l’ambiguïté des oxymores résulte souvent de l’abstraction de leur vocabulaire, les oxymores tels que «salut d’extermination» dans cette partie du Verso sont plus liés à un contexte historique très précis qu’ailleurs dans la poésie de Hugo, ce qui facilite parfois la tâche pour comprendre leur équilibre interne.

Un autre lien ambigu entre le bienfait et la violence se manifeste dans ces vers:

 

Ainsi tous les débris du vieux monde fatal,

Evêques mis aux fers, rois traînés à la barre,

Disparaissent, broyés sous leur pitié barbare.[37]

 

La vertu peut devenir une arme concrète, et la pitié est ici un objet lourd qui écrase. Ce verbe «broyer» hante Le Verso: Marat crie aux opprimés «broie!»[38] ; dans le passage évoquant le pressoir La Révolution broie les rois caducs[39] ; ailleurs une formule qui a la structure d’un proverbe justifie la violence: «La meule doit broyer si le moulin veut moudre»[40]. Si dans un contexte poétique l’oxymore tend à la fusion des contraires, dans la comédie il devient un auxiliaire de l’ironie[41]. Ici l’évocation de Marat tend plutôt vers l’exagération critique.

 

            La deuxième partie du Verso rejette absolument la violence et Hugo y sépare rigoureusement l’idéal et la violence pour les présenter comme antithétiques, afin de rejeter l’un et louer l’autre. Par exemple:

 

Sitôt qu’a disparu le coupable immolé,

Hors du panier tragique où la tête a roulé,

Le principe innocent, divin, inviolable,

Avec son regard d’astre à l’aurore semblable,

Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou.[42]

 

La rapidité de la mort par la guillotine est un lieu commun, mais Hugo ne souligne cet aspect que dans les passages qui la critiquent.[43] Dans cette partie du poème, la guillotine menace l’idéal, et le sang s’oppose maintenant à la lumière. Hugo souligne le problème de la continuité historique et la difficulté de fonder un nouveau régime sur un crime:

 

Faire de l’echafaud, menaçante bâtisse,

Un autel à bénir le progrès nouveau-né,

Ô vivants, c’est démence.[44]

 

Ici il refuse la logique selon laquelle la désacralisation du roi par la mort sacralise la Révolution. Encore une fois il sépare la réalité et l’idéal. Le renversement de l’exécution en baptême développe les métaphores de naissance et d’enfantement déjà élaborées et met l’accent sur la contamination de l’avenir. Cette tendance à opposer l’idéal à la réalité de la Terreur marque toute la deuxième partie du poème, plus didactique. Les antithèses soulignent une opposition fondamentale entre la violence et l’idéal, et les oxymores qui avaient exprimé l’ambivalence dans la première partie disparaissent complètement.

Dans la première partie du Verso, les oxymores avait indiqué un lien indissociable entre le bien et le mal, sans pour autant vraiment dépasser la dualité. Ce recours systématique à l’oxymore suggérait plutôt que la langue courante ne suffisait pas à décrire le bouleversement historique. Par contre, la deuxième partie est dominée par l’antithèse, figure qui oppose et sépare, et qui sert ici à ériger la clémence en principe absolu. La première partie évoque le futur dans le passé. La deuxième évoque l’avenir vraiment inconnu qui doit se couper du passé, et l’antithèse est une manière de trancher.   

Je voudrais considérer maintenant comment Hugo représente le processus de changement lui-même et surtout comment il met en scène le bien sortant du mal, métamorphose qu’il avait d’abord décrit dans la formule «C’est avec de l’enfer qu’il commence les cieux» au début du Verso.

 

 

Les métaphores de renversement soudain

Les deux premières parties du poème évoquent à plusieurs reprises le renversement soudain, souvent exprimé sous forme métaphorique. Le titre même Verso de la page engage la question du rôle des retournements dans la marche de l’histoire. Pour Albouy, la page a pour recto la Révolution, violence qui a été provoquée par la violence de l’Ancien régime, et pour verso une nouvelle loi de la clémence qui va succéder à la violence révolutionnaire[45]. La métaphore de la page inscrit l’histoire dans le domaine de la narration et du langage. Le Verso médite sur la difficulté de raconter la Révolution et à plusieurs reprises il réfléchit sur le problème de la représentation, par exemple en indiquant un désir de corriger le poème La Révolution dans «Tourment de la pensée après l’œuvre achevée»[46], et en posant la question «Comment expliquer ces aspects de l’abîme»[47]. Le début du Verso fait bien sûr référence au poème La Révolution, en exprimant le désir de faire ressortir une autre perspective. La Révolution souligne qu’il faut attribuer la responsabilité de la Terreur à l’oppression pendant des siècles de monarchie, perspective rappelée dans Le Verso:

 

Les révolutions, ces grandes affranchies,

Sont farouches, étant filles des monarchies.[48]

 

Le Verso se présente d’emblée comme une réflexion sur le rapport entre la Révolution et l’avenir. Pourtant, en développant cette idée il la remet de plus en plus en question. En quelque sorte le poème rêve la possibilité de faire un saut entre la violence révolutionnaire et l’ère de paix qui suivra. Verso est le participe passé de «vertere», tourner, qui fait écho au sens du mot révolution. Cette métaphore des pages de l’histoire figurait déjà dans Odes et ballades, mais à ce moment-là le livre de l’histoire était plus solide:

 

Livre fatal de deuil, de grandeur, de victoire.

Et je sentais frémir mon luth contemporain,

Chaque fois que passait un grand nom, un grand crime.

Et que l’une sur l’autre, avec un bruit sublime,

Retombaient les pages d’airain.[49]

 

Le titre du Verso implique un retournement rêvé qui introduirait un avenir de clémence. La métaphore de la page permet d’imaginer cette transition future comme un événement rapide et silencieux mais sa modalité exacte n’est jamais décrite. Pourtant, pour évoquer la Révolution qui a déjà eu lieu, le texte multiplie des métaphores qui soulignent la rupture soudaine.

Premièrement, bien sûr, Hugo décrit la guillotine, et nous avons déjà vu comment ce métonyme privilégié de la Révolution représente aussi métaphoriquement la rupture historique. Hugo n’insiste pas sur la rapidité et le silence de la guillotine, mais ces attributs sont sous-entendus. Deuxièmement, il décrit la Révolution comme un sablier retourné. Au milieu des évocations concrètes des évènements de 1793 dans la première partie, Hugo recule pour considèrer leur sens du point de vue cosmique:

 

Alors, comme il arrive à chaque phénomène,

A chaque changement d’âme de l’âme humaine,

Comme lorsque Jésus mourut au Golgotha,

L’éternel sablier des siècles s’arrêta,

Laissant l’heure incomplète et discontinuée;              

L’œil profond des penseurs plongea dans la nuée,

Et l’on vit une main qui retournait le temps.

On comprit qu’on touchait aux solennels instants,

Que tout recommençait, qu’on entrait dans la phase,

Que le sommet allait descendre sous la base,            

Que le nadir allait devenir le zénith,

Que le peuple montait sur le roi qui finit.[50]

 

L’analogie entre la mort du roi et la mort du Christ figure dans les versions royalistes de la Terreur[51], mais cette analogie sert ici à souligner que des renversements de cet ordre se produisent périodiquement et font donc partie d’un processus plus long – un sablier, comme les pages d’un livre, doit être tourné régulièrement pour assurer la continuité temporelle. Pourtant, Hugo insiste ici sur la Révolution en tant que rupture. Le vers 4 s’annonce paradoxal – si le sablier est éternel, il ne peut pas s’arrêter; s’il s’arrête, il n’est pas éternel. Les vers dramatisent le suspens, en remettant le retournement du sablier au vers 7, en cumulant des préfixes négatives dans le vers 5 et en mettant en évidence le mot «discontinuée», qui remplit presqu’une hémistiche entière. Il a été dit au sujet du poème La Révolution qu’arrêter le temps équivaut à arrêter le langage, et les évocations d’horloges arrêtées correspondent à l’écroulement d’un système figuratif[52]. Dans Le Verso aussi la perturbation du temps est liée à la signification des événements. Le vers 7 décrit la rotation du sablier mais rappelle aussi le sens litéral du mot révolution, en même temps qu’il rappelle la page, qui doit aussi être tournée par une main.

Ce passage exprime la conviction de Hugo que la manière dont on juge la Révolution dépend de la perspective temporelle, comme il l’expliquera dans la Préface Philosophique (1860):

 

L’homme de réaction procède comme l’homme de scepticisme. L’un traite la révolution comme l’autre traite la création. Refus de voir le tout; rapetissement de l’horizon; négation de l’infini dans un cas, de la démocratie dans l’autre. Attaque de l’ensemble par le détail.[53]

 

Vue de près, la Terreur épouvante, mais vu d’une perspective cosmique, c’est un tournant indispensable.

Bernard Degout commente cette image du sablier hors de notre contexte, dans son analyse du royalisme de Hugo avant 1824, et pour lui l’incomplétude du temps s’explique par le fait que le sablier avait été retourné avant son temps, faisant «un passé de ce que le décours de l’époque précédente annonçait comme un avenir.» Le premier grain de l’époque nouvelle tombe «au milieu d’un futur jamais advenu» et la contamine puisque la Révolution se continue et se prolonge[54]. Dans cette perspective les vers 4 et 5 font allusion à l’enchaînement de la violence et Degout a peut-être raison de voir dans le sablier une métaphore de l’accélération. Pourtant, le passage entier met l’accent sur le renversement nécessaire et total. Dans les années cinquante Hugo aime évoquer des renversements totaux ; toutefois il ne glorifie guère l’accélération artificielle du changement.  

Le sablier est aussi un emblème traditionnel du memento mori. Ici Dieu retourne le sablier pour permettre à l’histoire de continuer, mais le sablier garde ses connotations habituelles de memento mori. Cette image nous rappelle donc la disparition des individus en même temps qu’il subordonne ce détail à la perspective cosmique. Le sablier évoque à la fois le caractère éphèmere de la vie et la continuité historique.

Une troisième évocation du renversement soudain est apparente au début de la deuxième partie du poème, qui refuse la violence parce qu’elle contamine l’avenir. Les tournants violents sont critiqués ainsi:

 

Non! Le glaive, la mort répondant à la mort,

Non, ce n’est pas la fin. Jette plus bas la sonde,

Mon esprit. Ce serait l’étonnement du monde

Et la déception des hommes qu’un progrès

Ne vînt pas sans laisser aux justes des regrets,          

Que l’ombre attristât l’aube à se lever si lente,

Et que, pour le toucher avec sa main sanglante

Le temps de lui céder la place et le chemin,

Toujours l’affreux hier ensanglantât demain! [55]

 

Selon Hugo, les hommes seraient déçus s’il ne venait un jour où le changement radical serait possible sans violence. Quoiqu’elle configure une logique optimiste, la syntaxe est tordue et ce sont avant tout les images pessimistes qui frappent le lecteur. Dans les trois derniers vers le changement historique est représenté par la métaphore d’une main du passé qui en touchant l’avenir le tache de sang. Même si la violence n’a lieu qu’à un moment de transition, le sang contaminera l’avenir. Cette métaphore du toucher souligne la brièveté de l’instant de transition et montre son effet sur ce qui suit.

Les mains figurent dans toutes ces métaphores de transition: le passé personnifié a des mains meurtrières mais ailleurs la guillotine est actionnée par «la main rouge et fangeuse» de la Liberté ; la page doit être tournée par une main, le sablier est retourné par la main de Dieu. Ces métaphores d’action évoquent très concrètement le retournement historique, mais le mouvement n’est jamais tout à fait innocent et jamais tout à fait coupable. Hugo rêve la possibilité de couper derrière soi et de tourner la page sans tacher l’avenir mais il montre aussi l’impossibilité d’arrêter l’enchaînement de la violence.

De plus, le poème affirme le désir de se libérer du passé mais retourne sans cesse aux images de son propre passé. Même la métaphore de la page tournée est contredite par la structure globale du poème. Dans la deuxième partie, 1793 est comparé à la crucifixion, mais la troisième partie finira en suggérant que même ce bouleversement précédent est incomplet, en adressant à l’humanité ce vers sombre: «Et tu n’as pas encor décloué Jésus-Christ»[56].

 

 

La Nature

Nous avons vu comment la poésie de Hugo met en scène des hésitations vis-à-vis des ruptures historiques violentes. Nous allons maintenant considérer comment dans la troisième et la quatrième parties du Verso le poète essaie de situer ces ruptures dans un processus plus large, d’évoquer des transitions plus lentes, et même de comparer les ruptures historiques à des transformations organiques.

La troisième partie du Verso, celle qui deviendra «La Loi de formation du progrès» dans L’Année terrible, et qui évoque des lois fondamentales du progrès à un niveau plus abstrait, introduit notamment la nature. Le vocabulaire de la naissance mis à part, la rupture historique avait été représentée dans les deux premières parties par des métaphores inorganiques, avant tout la guillotine. Hugo souligne que la guillotine est contre-nature, en évoquant ainsi la construction de l’échafaud :

 

Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette,

D’effrayants madriers dressent leur silhouette.[57]

 

Au contraire, la troisième partie commence par une affirmation que le progrès a ses origines dans la nature:

 

Quel est donc ce travail étrange de la terre?

Quelle est donc cette loi du développement

De l’homme par l’enfer, la peine et le tourment?[58]

 

Cette tentative de lier la croissance organique, transformation inévitable et graduelle, au progrès historique, avec ses ruptures soudaines telles que la Révolution, domine la troisième partie du Verso, qui en quelque sorte essaie de concilier le temps historique avec le temps de la nature.

            Cette troisième partie commence en évoquant la bataille entre les hommes et la nature, c’est-à-dire la science, qui permet à Hugo de décrire le conflit comme un moteur du progrès sans faire référence à la violence historique:         

               

L’homme prend la nature énorme corps à corps

Mais comme elle résiste! Elle abat les plus forts.[59]

 

 Les vers évoquant les scientifiques et les explorateurs qui se sacrifient aux découvertes,

 

Maintenant regardez les cadavres. La somme

De tous les combattants que le progrès consomme,   

Étonne le sépulcre et fait rêver la mort, [60]

 

font écho aux vers évoquant la violence politique :

 

Penseurs, réformateurs, porte-flambeaux, esprits,

Lutteurs, vous atteindrez l’idéal! à quel prix?

Au prix du sang, des fers, du deuil, des hécatombes.

La route du progrès, c’est le chemin des tombes.— [61]

 

 Ce système de parallèles suggère que le bien sort du mal dans le domaine de l’histoire aussi bien que dans celui de la science et ainsi escamote la question morale de la violence. Dans «Plein ciel» ou «Les Mages», la science fait ressortir les forces mystérieuses de la nature et contribue à la spiritualisation de l’univers, mais dans Le Verso elle sert plutôt à représenter par métaphore les batailles entre des humains, ce qui permet à Hugo d’évoquer la nécessité des souffrances sans justifier explicitement la Terreur.

Après avoir essayé ce parallèle entre la science et l’histoire, Hugo reprend le parallèle entre «le travail étrange de la terre» et le progrès humain. Il puise dans la nature évoquée par les métaphores de la transformation organique pour expliquer comment le bien sort du mal, mais l’artifice même du procédé suggère que ces métaphores conviennent mal aux ruptures historiques violentes, par exemple:

 

Destin terrifiant! Tout sert, même la honte;

La prostitution a sa fécondité;

Le crime a son emploi dans la fatalité;

Étant corruption, un germe y peut éclore.[62]

 

Ce n’est qu’à travers le double sens du mot «corruption» -- négatif sur le plan moral et positif sur le plan organique – que Hugo évoque le bien sortant du mal. Ainsi la métaphore tient ici lieu de raisonnement logique. Les images organiques les plus euphoriques, et qui apparaissent ailleurs sans ironie chez Hugo, sont ici attribuées aux voix extérieures:

 

Du sang! Et l’on entend dans les siècles ce cri:

Une aile sort du ver et l’un engendre l’autre. –

L’âge qui plane est fils du siècle qui se vautre.– [63]

 

Parfois le modèle du cycle organique semble expliquer l’histoire humaine: 

 

Le monde reverdit dans le deuil, dans l’horreur;

Champ sombre dont Nemrod est le dur laboureur!

 

Toute fleur est d’abord fumier, et la nature

Commence par manger sa propre pourriture;

La raison n’a raison qu’après avoir eu tort;

Pour avancer d’un pas le genre humain se tord;

Chaque évolution qu’il fait dans la tourmente

Semble une apocalypse où quelqu’un se lamente.

Ouvrage lumineux, ténébreux ouvrier.[64]

 

Les répétitions des sons soulignent les liens entre le bien et le mal dans la nature :   Fleur et fumier, nature et pourriture. Cette logique qui veut que le mal devienne alors le bien est transposée dans le domaine de la connaissance, dans lequel l’erreur devient la raison, et finalement s’applique à l’histoire – la souffrance ménera nécessairement au progrès. Le vers 7 ajoute une autre justification de la violence, en distinguant entre un agent destructeur et le résultat idéal, entre le processus et la fin.

Les métaphores organiques se révèlent ainsi souvent inaptes à expliquer l’histoire. Hugo les juxtapose avec des images qui ne sont pas naturelles:

 

La guillotine, affreuse et de meurtres rougie,

Est un pas sur le croc, le pal et le bûcher;

La guerre est un berger tout autant qu’un boucher.[65]

 

Les connotations religieuses du berger sont ici détournées dans un développement du lieu commun selon lequel la guillotine était «une machine humanitaire» qui représenterait une avance sur les autres moyens de mise à mort[66].

Ailleurs, Hugo explique le paradoxe du bien sortant du mal en développant le lieu commun de la lave féconde, qui déclenche une série d’oxymores qui expriment l’idée selon laquelle des chefs de guerre donnent la vie:

 

Sésostris vivifie en tuant, Gengiskan

Est la lave féconde et sombre du volcan,

Alexandre ensemence, Attila fertilise.[67]

 

Dans le troisième vers la répétition des sons lie encore une fois les termes opposés: «Alexandre» et «ensemence»; «Attila» et «fertilise»[68].

Hugo emploie le discours de la croissance organique pour décrire des oppositions morales et suggérer que le mal devient nécessairement le bien:

 

Cette création où l’aube pleure et luit,

Où rien n’éclôt qu’après avoir été détruit,

Où les accouplements résultent des divorces.

Où Dieu semble englouti sous le chaos des forces,  

Où le bourgeon jaillit du nœud qui l’étouffait,

C’est du mal qui travaille et du bien qui se fait.[69]

 

La nature et l’histoire sont en harmonie dans le premier vers mais la tension entre les deux monte jusqu’au point où ils sont opposés dans le vers 6, qui encore une fois distingue entre les actions mauvaises et la fin qui les justifie. Le vers 5 attribue au bourgeon fermé une qualité tyrannique, étendant la métaphore au point de remettre en question le parallèle organique. C’est comme si le renversement historique était si violent que la nature elle-même était obligée d’y participer, ou plutôt tout se passe comme si le bouleversement historique a tellement changé les perceptions que la nature, autrefois source d’équilibre et d’ordre, n’avait plus la même valeur. Hugo utilise des métaphores organiques pour essayer de comprendre le progrès historique mais révèle les problèmes soulevés par ce procédé. La nature ne sert plus à stabiliser le chaos des conflits humains.

La mise en évidence des tensions internes aux métaphores souligne que les parallèles organiques n’expliquent pas bien les conflits humains. L’effort pour situer la guerre dans un ordre plus grand et pour faire des comparaisons entre des renversements soudains et des évolutions lentes échoue, ce qui est loin de signifier que le poème lui-même est un échec. Au contraire, Le Verso constitue une réflexion sur la difficulté même de donner un sens à l’histoire. Hugo met en scène le labyrinthe de la méditation, y compris ses impasses. Selon Laforgue, dans Le Verso Hugo n’arrive pas à énoncer une dialectique de Progrès mais il y arrive dans «Le Cèdre» et surtout dans «Le Satyre» en adoptant un modèle naturaliste qui lie le chaos du sous-sol à la croissance de l’arbre vers les cieux et permet de penser le progrès sans poser la Révolution comme tournant[70]. Pourtant, il y a des éléments végétaux dans Le Verso et la manière dont ils se révèlent incapables de rendre compte de la totalité historique fait partie de l’intérêt du poème. Il y a ainsi une contradiction interne aux métaphores qui ont recours aux cycles organiques pour justifier la violence historique. Le Verso montre l’impossibilité de fonder une loi générale sur ces analogies organiques et Hugo semble même insister sur l’hétérogénéité de ces emprunts à la nature réalisés par ces métaphores.  

L’allusion à la «lave féconde» déclenche une méditation sur la guerre. Hugo y abandonne les parallèles organiques et comme à la fin du passage sur le pressoir il exagère la justification de la guerre afin de la remettre en question:

 

Quoi! Les sabres sonnant sur les casques de fer,

L’épouvante, les cris des mourants qu’on égorge...

– C’est le bruit des marteaux du progrès dans la forge.[71]  

 

La métaphore rapproche les armes du soldat des instruments du forgeron, privilégiant la similarité concrète mais insinuant un écart moral entre les deux, souligné par la rime. 

La troisième partie du Verso concilie finalement la nature et l’histoire en affirmant le mystère fondamental posé par les deux phénomènes et l’impossibilité d’établir une loi qui explique tout. Hugo remet donc en question les efforts précédents de synthèse et dessine les limites de la compréhension humaine. Cette partie se termine au plus noir, avec le rappel adressé à l’Humanité «Et tu n’as pas encor décloué Jésus Christ.»

 

La quatrième partie du poème, généralement perçue comme un hymne au progrès célébrant un avenir lumineux, semble abandonner les contradictions de la réalité pour faire un saut vers l’idéal, mais le conflit ressurgit à plusieurs reprises avant la fin. Cette partie juxtapose des phrases d’harmonie globale avec des exhortations d’avancer. Au lieu d’offrir une véritable synthèse entre les contradictions déjà évoquées, elle invite à marcher en avant, pour reprendre le sens littéral du mot «progrès». Selon Myriam Roman, la parole du progrès «est incitation au mouvement»[72], et dans cette dernière partie du Verso l’injonction «En route!»[73] rappelle à la fois celle déjà employee comme un encouragement au progrès paisible: «En avant! Du progrès reculons les frontières»[74], et celle employée dans le contexte de la guerre: «Cyrus crie: en avant!»[75]. L’appel au progrès est souvent formulé comme un cri de guerre, ce qui n’est pas sans ironie dans un poème préchant le refus de la violence, et qui réintroduit donc le conflit en moteur de l’histoire.

Cette dernière partie du poème rejette encore une fois la violence, déployant plusieurs antithèses pour suggérer un écart absolu entre le passé et l’avenir. Hugo remanie la métaphore selon laquelle la Révolution submerge le passé pour souligner l’altitude de l’avenir[76].

 

Mais nous qui sommes d’autres cœurs; les temps fatals sont clos;

Notre siècle, au-dessus du vieux niveau des flots,

Au-dessus de la haine, au-dessus de la crainte […][77]

 

Il retourne à la métaphore biologique de la naissance:

 

Après cette naissance, après cette agonie,

Toute l’œuvre tragique et farouche est finie.

L’ère d’apaisement suit l`ère de terreur.[78]

 

Hugo insiste sur la possibilité de combattre la violence avec son opposé – la paix, la lumière, la clémence. Pourtant, il joint à cette position idéaliste un paradoxal «Mort à la mort!», formule qui à la fois révèle sa propre impossibilité et la permanence de la tentation de retourner à la violence[79]. C’est une traduction de la formule «l’homme en écrasant le monstre est monstrueux» dans le domaine d’abstractions personifiées. L’exclamation «Mort à la mort!» déclenche une invocation à la guillotine, l’enjoignant à retourner à la nature et faisant ainsi retour aux métaphores organiques qui avaient dominé la troisième partie:

 

Charpente que l’enfer fait lécher à ses chiens,

Va pourrir dans la terre éternelle et divine

Qui ne te connaît point, toi l’arbre sans racine,

Qui t’exclut de la sève et qui ne donne pas

La vie au bois féroce où germe le trépas!

Fuis, dissous-toi, perds-toi dans la grande nature![80]

 

Encore une fois les métaphores organiques servent à suggérer que la vitalité dissoudra le mal. Pourtant, le discours organique a de nouveau du mal à dominer la violence humaine, et la vieille idée qu’il faut de la violence pour combattre la violence resurgit dans une apostrophe aux armes qui les appelle à s’entretuer:

 

Hache, deviens cognée et frappe le poteau!

Frappe! Exterminez-vous, ô ténébreux complices![81]  

 

Donc même en refusant la violence dans cette quatrième partie du Verso, Hugo semble encore une fois reconnaître sa nécessité.

            Pourtant, pour réagir contre cette nécessité, pour refuser la logique de l’enchaînement de la violence, Hugo tente plusieurs démarches. Il retourne ainsi aux métaphores religieuses ; par exemple il fait référence aux mythes bibliques de la résurrection et du déluge:

 

La vie aux yeux sereins sort toujours de la tombe;

Tout déluge a pour fin le vol d’une colombe.[82]

 

Ces vers sont une réécriture plus optimiste du vers qui justifiait la guillotine au début du poème, «C’est avec de l’enfer qu’il commence les cieux», mais «toujours» et «tout» suggèrent que la destruction mène nécessairement au bien, ce qui réduit le mal à être l’embryon du bien au lieu d’être son antagoniste. Encore une fois, le mouvement vers l’espoir s’effectue au moyen d’une manœuvre rhétorique.

La quatrième partie retourne aussi à l’oxymore, soulignant toujours le lien entre la violence et les renouveaux, par exemple:

 

L’auguste avortement de la foudre en aurore.[83]

 

Dans la première partie du poème les oxymores étaient avant tout liés aux événements et aux personnages précis de la Révolution et servaient à refléter la complexité de cette réalité. En revanche, dans la quatrième partie ils deviennent beaucoup plus abstraits. Le langage poétique se détache du contexte concret. Comme le dit Gaudon, l’ambiguïté des mots désignant des particularités concètes résulte dans la poésie du fait que lui manquent «les béquilles de la narration» au point où «chaque substantif, chaque adjectif, chaque verbe, concourt à la dépolarisation»[84]. Le Verso réfléchit même sur le rapport entre l’universel et le particulier, attribuant parfois des formulations abstraites aux contextes précis, et soulignant souvent que les synthèses sont contingentes. Ici l’oxymore a l’avantage de ne pas préciser la causalité. L’avortement est sublimé d’abord par l’adjectif «auguste» et puis qualifié comme une transformation d’un éclair violent en aube paisible. Comme l’aurore signifie souvent naissance, l’avortement devient un renouveau. Au commencement du Verso, Hugo avait confronté le feu de la violence avec une illumination idéale:

 

L’avenir triomphant veut une autre auréole

Que l’âpre flamboiement des expiations.[85]

 

Mais l’auguste avortement joue sur leurs ressemblances et finalement les concilie. 

 Vers la fin du Verso, il y a une série de métaphores militaires:

 

Ô peuples! L’avenir est déjà parmi nous.

Il veut le droit de tous comme le pain pour tous;

Calme, invincible, au champ de bataille suprême,

Il lutte; à voir comment il frappe, on sent qu’il aime;

Regardez-le passer, ce grand soldat masqué![86]

 

Encore une fois, une métaphore de guerre sert à évoquer le progrès au-delà de la violence. Le dernier vers dit de l’avenir: C’est aujourd’hui combat et c’est demain clémence.[87] Dans une certain mesure, c’est une autre reformulation du vers du commencement «C’est avec de l’enfer qu’il commence les cieux», mais paradoxalement le poète déploie des métaphores de guerre pour convaincre le lecteur que le véritable progrès comporterait la clémence. Le poème invite à réfléchir sur la difficulté de parler du progrès et problématise ses propres métaphores.

 

Dans la troisième partie du Verso Hugo avait remis en question la notion du progrés, premièrement en demandant s’il existait:

 

Que cette obscure loi du progrès dans le deuil,

Du succès dans la chute et du port dans l’écueil,

Soit vraie ou fausse, absurde et folle, ou démontrée[…][88]

 

et deuxièmement en décrivant la difficulté de le réaliser:

 

Comme ceux qui de tous portent les interêts

Ont l’épaule meurtrie aux angles du progrès![89]

 

Il insinue qu’il n’y a en vérité que progrès vers le progrès. Comme le dit Pierre Albouy, Le Verso est un poème qui rend compte de la lenteur et de la difficulté du changement[90]. C’est aussi un poème qui reflète la difficulté de théoriser l’histoire. La quatrième partie suggère que le progrès ne peut être décrit que par métaphores, et que souvent les métaphores qui conviennent le mieux sont aussi les plus guerrières.

Ce genre de contradiction domine Le Verso, qui est fasciné par la possibilité de changement soudain mais qui hésite à accepter la violence, qui demande l’abandon de la peine de mort mais qui cherche sans cesse des métaphores pour suggérer que le bien sort quand-même du mal. Le Verso essaie de saisir la logique qui sous-tend la marche de l’histoire mais reflète  l’impossibilité d’articuler une telle loi. Il pense au moyen des métaphores mais remet aussi en question ce procédé même: les métaphores organiques expliquent mal les renversements soudains et les métaphores de guerre remettent en question la critique de la violence. Le poème joue sur son propre passé et avenir pour mettre en évidence le statut provisoire des synthèses articulées à l’intérieur des vers. Quoique Hugo ait choisi de démembrer Le Verso et que certaines parties aient trouvé une nouvelle résonance dans un autre contexte, on ne peut apprécier cet effet d’une méditation continue mais jamais résolue que si on lit Le Verso dans son état original. Le Verso n’offre pas de synthèse achevée mais nous montre que concilier les opposés est un processus dynamique. Est-ce à cause de cette qualité provisoire que Hugo n’a jamais publié le poème tel quel? Certes, les hésitations dans la pensée sont plus visibles dans Le Verso qu’ailleurs dans son œuvre. Laforgue associe l’échec de la dialectique dans Le Verso à une configuration inaboutie du moi[91], mais en outre le poème manque d’une perspective unifiante. Il est moins didactique que La Pitié suprême qui est unifié par sa défense systématique du pardon. Dans Le Verso la violence est considérée sous une pluralité de perspectives et l’horizon de l’absolu semble moins sûre qu’ailleurs chez Hugo. Je termine en citant l’évocation du progrès qui pourrait aussi très bien décrire le texte du Verso de la page lui-même:

 

À l’instant où l’on croit l’édifice achevé,

Il s’écroule, écrasant celui qui l’a rêvé.[92]


[1] Pierre Albouy, «Une œuvre de Victor Hugo reconstituée», Revue d’Histoire littéraire de la France (1960), 338-423.

[2] Pierre Laforgue, Victor Hugo et La Légende des Siècles: de la publication des ‘Contemplations’ à l’abandon de ‘La Fin de Satan’ (avril 1856-avril 1860), Orléans, Paradigme, 1997.

[3] « Présentation » au Verso de la page, Œuvres complètes, ed. Jean Massin, Paris: Club français du livre, 18 tomes, 1967-1970,  X, pp.251-59 (p.254). Les références à cette édition sont désignées par la mention «CFL».

[4] Victor Hugo et La Légende des Siècles, p.145.

[5] « Présentation » au Verso de la page, (CFL X, p.256).

[6] Anne Ubersfeld, Paroles de Hugo, Paris, Messidor, 1985, p.356.

[7] Victor Hugo et La Légende des Siècles, pp.138-9.

[8]Le Verso de la page, Œuvres complètes, dir. Guy Rosa et Jacques Seebacher, Paris, Laffont, « Bouquins », 1985-91.  « Poésie IV » (pp.1085-89). Toutes nos références à la poésie de Hugo renvoient à cette édition, désignée par la mention « Laffont ». Cette partie correspond à peu près à celle appelée «historique» par Laforgue, Victor Hugo et La Légende des Siècles, pp. 138-9.

[9] Laffont « Poésie IV », pp.1089-98. Cette partie correspond à la partie nommée «éthique» par Laforgue, pp. 138-9.

[10] Laffont « Poésie IV », pp.1098-1104. Cette partie correspond à celle nommée «philosophique» par Laforgue, pp. 138-9.

[11] Laffont « Poésie IV », pp.1104-09. Cette partie correspond à celle nommée «humaniste» par Laforgue, pp. 138-9.

[12] Pierre Albouy, «Hugo fantôme», Littérature, 13 (1974), 113-124, p.119.

[13] Voir Frank Paul Bowman, «Système de Dieu», 15-93, in Jacques Seebacher and Anne Ubersfeld, eds, Hugo le fabuleux, Paris, Laffont, 1985, p.170.

[14] Laffont « Poésie IV » (p.1085). Il semble que le premier vers a été mal transcrit dans cette édition aussi bien que dans CFL, les deux éditions complètes du Verso de la page. Ce vers a été réécrit quand cette partie du Verso est apparue dans Toute la lyre (le poème «Les révolutions, ces grandes affranchies»): «Oui, c’est la seule issue, hommes, troupeaux fuyants», Laffont « Poésie IV » (p.179). Selon les variantes indiquées pour Toute la lyre dans l’édition de L’Imprimerie Nationale, la version originale était «Oui, c’est la seule issue, ô tristes pas fuyants», Œuvres complètes, éd. Paul Meurice, Gustave Simon, Cecile Daubray, Paris: Ollendorff, Albin Michel, 45 tomes, 1904-52, poésie XII (p.396). Les éditions Laffont et CFL auront apparement confondu les deux versions du vers.   

[15] Victor Hugo et La Légende des Siècles, «Un des motifs les plus insistants est celui du «non, non» », p.138.

[16] Voir «Désormais, ô vivants, nous avons fait ce pas, / Il faut aux nations un sauveur qui n’ait pas / De curiosité pour les têtes coupées» ( p.1105). E.S. Burt note l’ambiguïté du mot dans La Révolution, dans Poetry’s Appeal: Nineteenth-Century French Lyric and the Political Space, Stanford University Press, 1999, p.186.

[17] Laffont « Poésie IV », pp. 1088-89.

[18] Voir Apocalypse 14: 19-20 «L’ange jeta donc sa faux en terre, et vendangea la vigne de la terre, et en jeta les raisins dans la grande cuve de la colère de Dieu. Et la cuve fut foulée hors de la ville, et le sang sortit de la cuve en telle abondance que les chevaux en avaient jusqu’aux mors dans l’étendue de mille dix cents stades.» Cette allusion rappelle l’idée selon laquelle la Terreur est une forme de punition.  

[19] Clive Scott, A Question of Syllables, Cambridge University Press, 1986, p.63.

[20] Laffont « Poésie IV », pp.1098-99.

[21] Laffont « Poésie IV », p.1406.

[22] Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la terreur, Paris, Flammarion, 1987; repr. 2010, p.91.

[23] «La Liberté», Laffont « Poésie I », p.139.

[24] Laffont « Poésie IV », p.1086.

[25] Georges Molinié, Dictoinnaire de rhétorique, Paris, Librairie Générale Française, 1992, p.57.

[26] Georges Molinié, Dictoinnaire de rhétorique, p.235.

[27] Princeton Encylopaedia of Poetry and Poetics, ed. Alex Preminger, Princeton University Press, 1965, p.596.

[28] Léon Cellier, «D’une rhétorique profonde: Baudelaire et l’oxymoron», in Parcours initiatiques, Neuchâtel: La Baconnière, 1977, 191-203 (pp.193-94). Pour lui «le poète est celui qui en usant de l’antithèse et de l’oxymoron, passe d’un univers tragique à un paradis, de la dualité à l’unité.»

[29] Jean Gaudon «Ambiguïtés hugoliennes», Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 19, 195-203. p.198-9. Gaudon décrit en fait des oxymores quand il parle des antithèses, comme le note Richard B. Grant, «Progress, Pessimism and Revelation in Victor Hugo’s Dieu», Nineteenth-Century French Studies, 17 (1988-89) 44-57 (p.56).

[30] Laffont « Poésie IV », p.1086.

[31] Ailleurs, l’antithèse reflète la difficulté d’interpréter un monde renversé, par exemple: «Est-ce un libérateur, ce tigre qui bondit? / Ce chef, est-ce un héros ou bien est-ce un bandit?» (Laffont, « Poésie IV », p.1101).

[32] Laffont « Poésie IV », p.1086.

[33] «Quiberon», Laffont « Poésie I », p.85.

[34] Laffont « Poésie IV », p.1086.

[35] Laffont « Poésie IV », p.1087.

[36] Laffont « Poésie IV », p.1087.

[37] Laffont « Poésie IV », p.1088.

[38] Laffont « Poésie IV », p.1087.

[39] Laffont « Poésie IV », p.1088.

[40] Laffont « Poésie IV », p.1087.

[41] Henri Morier, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, 1961, p.830.

[42] Laffont « Poésie IV », p.1091.

[43] Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la terreur, pp.62-3.

[44] Laffont « Poésie IV », p.1093.

[45]«Présentation» du Verso de la page, CFL X, p.253, et «Hugo fantôme»,  p.119.

[46] Laffont « Poésie IV », p.1085.

[47] Laffont « Poésie IV », p.1086.

[48] Laffont « Poésie IV », p.1085.

[49] Laffont « Poésie I », p.195.

[50] Laffont « Poésie IV », pp. 1088-89.

[51] Voir Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la terreur, p.107.

[52] E.S. Burt, Poetry’s Appeal, p.170.

[53] « Philosophie Commencement d’un livre» CFL XII, 11-72. p. 67.

[54] Bernard Degout, Le Sablier retourné: Victor Hugo (1816-1824) et le débat sur le “Romantisme”, Paris: Champion, 1998, p.435-36.

[55] Laffont « Poésie IV », p.1089.

[56] Laffont « Poésie IV », p.1104.

[57] Laffont « Poésie IV », p.1092.

[58] Laffont « Poésie IV », p.1098.

[59] Laffont « Poésie IV », p.1099.

[60] Laffont « Poésie IV », p.1099-1100.

[61] Laffont « Poésie IV », p.1099.

[62] Laffont « Poésie IV », p.1100.

[63] Laffont « Poésie IV », p.1100.

[64] Laffont « Poésie IV », p.1100.

[65] Laffont « Poésie IV », p.1100.

[66] Daniel Arasse, La Guillotine et l’imaginaire de la terreur, p.26.

[67] Laffont « Poésie IV », p.1101.

[68] Voix interieures I: «Le peuple a sa colère et le volcan sa lave / Qui dévaste d’abord et qui féconde après ». Laffont « Poésie I», p.806.

[69] Laffont « Poésie IV », p.1101.

[70] Victor Hugo et La Légende des Siècles, pp.202-3 et pp.280-86.

[71] Laffont « Poésie IV », p.1102.

[72] Roman, Myriam,  « ‘Ce cri que nous jetons souvent’: Le Progrès selon Hugo.», p.89.

[73] Laffont « Poésie IV », p.1105.

[74] Laffont « Poésie IV », p.1093.

[75] Laffont « Poésie IV », p.1100.

[76]« --Et, submergé, saignant, arraché, mort épars, / Le vieux dogme, partout, noyé de toutes parts, / Tombe, et tout le passé s’en va dans la meme onde. » Laffont « Poésie IV », p.1086.

[77] Laffont « Poésie IV », p.1106.

[78] Laffont « Poésie IV », p.1106.

[79] Laffont « Poésie IV », p.1107.

[80] Laffont « Poésie IV », p.1107.

[81] Laffont « Poésie IV », p.1107.

[82] Laffont « Poésie IV », p.1107.

[83] Laffont « Poésie IV », p.1108.

[84] «Ambiguïtés hugoliennes», p.201.

[85] Laffont « Poésie IV », p.1085.

[86] Laffont « Poésie IV », p.1108.

[87] Laffont « Poésie IV », p.1109.

[88] Laffont « Poésie IV », p.1103.

[89] Laffont « Poésie IV », p.1104.

[90] «le sentiment est celui de la lenteur de l’histoire. […] On ne sait jamais exactement où l’on est. On ne sait jamais l’heure. », «Hugo fantôme»,  p.119.

[91] Victor Hugo et La Légende des Siècles, p.143.

[92] Laffont « Poésie IV », p.1104.