L’honneur personnel était en question mais aussi celui de la République, c’est à dire son avenir : n’opposer qu’une protestation verbale au coup d’Etat revenait sinon à le cautionner, du moins à affaiblir la frontière entre la république démocratique et parlementaire née de la Révolution et le régime qui s’établissait, constitutionnellement encore indéterminé mais à coup sûr autoritaire, voire dictatorial. La distinction était essentielle à une époque où la démocratie républicaine ne reposait sur aucune tradition historique et restait mal définie dans les esprits. La même considération permet de comprendre le mouvement sacrificiel qu’illustre la mort de Baudin et qui anime à plusieurs reprises les républicains, dont Hugo lui-même. Nulle pulsion suicidaire là-dedans : le suicide désespère, le sacrifice est une dette faite à l’avenir. A lui de la rembourser et de faire en sorte que ces hommes ne soient pas morts pour rien.

On peut cependant s’étonner de ces discussions oiseuses, avec des personnages si suspects, dans ces moments décisifs où les attroupements hostiles au coup d’Etat se multiplient et où s’ébauchent les barricades.