Plusieurs de ces noms, mais pas tous, se retrouvent sur la liste « officielle » des « personnes n’appartenant pas à l’armée, tuées dans les journées des 3, 4, 5 et 6 décembre 1851, ou décédées par suite de leurs blessures ». Dressée par le « chef du bureau de la salubrité à la Préfecture de police », elle comporte 191 noms, suivis, sans régularité, de l’adresse et parfois de l’état des personnes ainsi que du lieu de leur décès ou de la mention « à la Morgue ». Elle est donnée par Ténot ; P. Mayer prétend la reproduire mais l’abrège et substitue à plusieurs reprises un lieu quelconque à la mention « tué chez lui » qui ne subsiste que pour trois noms : Adde, De Couvercelle et Labilte (peut-être rebaptisé par pudeur : Hugo orthographie comme Schœlcher). Au milieu de la liste, six lignes où le nom est remplacé par « N… », réunies par une accolade : « INCONNUS, dont on n’a pas pu constater l’identité, passés par les armes ou trouvés morts sur les barricades ». L’emploi de cette liste – et d’autres sources ?– par Hugo mériterait une étude particulière.

Son auteur, loué par P. Mayer pour la conscience de son travail et le démenti qu’il infligeait aux « monstrueuses exagérations » qui couraient à Paris et en France, est Adolphe Trébuchet (1801-1866), avocat, entré au cabinet du Préfet de police en surnuméraire, bientôt chef du bureau sanitaire, membre du Conseil de salubrité et de l’Académie de médecine, chevalier (1832) puis officier (1854) de la Légion d’honneur, auteur de plusieurs ouvrages de sa spécialité : Code administratif des établissements dangereux, insalubres ou incommodes ; Jurisprudence de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie en France ; Dictionnaire de police ; édition commentée du De la prostitution dans la ville de Paris de Parent-Duchâtelet, et de quantité de rapports administratifs, dont cette liste. Fils d’un des frères de Sophie Trébuchet, il était le cousin de Victor Hugo. Ils avaient été proches dans leur jeunesse (voir J.-M. Hovasse, op. cit., t. I, passim).