L'Université Paris Cité (ex Paris-Diderot, ex Paris 7), a décidé, le 20 mai 2019, qu'un nouveau site serait créé, pour le Groupe Hugo qu'elle dirige, par Madame C. Millet, professeur. Il est en ligne.

Celui qu'on consulte, ouvert dans les années 1990, devient donc le site du «Groupe Hugo - canal historique» et ses autres sections (chronologie, bibliographie, etc.) retrouvent leur autonomie. Etant déjà largement fréquenté et référencé, il garde son contenu et ses adresses; il accueille volontiers les publications qui lui sont proposées.

Son fonctionnement matériel est assuré par le Centre de ressources Jacques Seebacher, créé et animé par Paule Petitier. Ce centre met ses moyens à la disposition des «hugoliens», quelle que soit leur appartenance administrative. Ils ont en particulier accès à sa bibliothèque, spécialisée en littérature du XIXe siècle et riche en ressources hugoliennes (publications, micro-films des manuscrits de la BNF).

Groupe Hugo

Préfiguré par la collaboration de tous les hugoliens à l'«édition Massin», esquissé en 1969 à la Sorbonne par Pierre Albouy, le Groupe Hugo a été créé en 1975 à l'Université Paris 7 par Jacques SEEBACHER épaulé par Annie UBERSFELD, puis animé, de 1990 à 2006, par Guy Rosa et dirigé de 2006 à 2024 par Claude Millet. C'est en son sein qu'ont été préparés plusieurs des travaux et des manifestations du Centenaire de 1985 puis du Bicentenaire de 2002, en particulier l'édition des Oeuvres dans la collection "Bouquins". Il est maintenant conduit par Florence Naugrette et Jean-Marc Hovasse.

Le Groupe Hugo réunit chaque mois les “ hugoliens ” qui souhaitent y prendre part : étudiants en master ou en doctorat, chercheurs et enseignants, passionnés de Hugo, professionnels de la culture -voir la liste des participants. Les séances sont consacrées à l'échange d'informations, puis à l'audition et à la discussion d'une ou deux interventions. Les communications et le compte rendu des réunions sont publiés ici.
Les séances se tiennent à 10 h. 15 à la Maison de Victor Hugo de la place des Vosges.

 

Agenda et informations

Carnet

David Charles (1967-2025)

Membre du Groupe Hugo, comme il n’oubliait jamais de le rappeler dans ses notices autobiographiques qui se distinguaient par leur concision, David Charles avait préparé sa thèse sous la direction de Guy Rosa au début des années 1990. Il avait lui-même trouvé son excellent sujet : La Pensée technique dans l’œuvre de Victor Hugo. À l’instar de Bernard Leuilliot et de Jean Gaudon, mais par une indépendance d’esprit qui était aussi l’un de ses traits de caractère, il n’avait pas l’agrégation, et s’en passait fort bien. Il avait soutenu sa thèse à Paris 7 le 25 novembre 1994 au matin ; dans l’après-midi du même jour Ludmila Wurtz soutenait la sienne avec le même directeur, et tous deux pareillement vêtus – annonce encore jamais vue dans ces circonstances d’un mariage à venir, et plus tard deux enfants beaux et brillants comme eux, Simon et Lara. Florence Naugrette avait soutenu sa thèse la semaine suivante, Véronique Dufief la semaine précédente, et tous les quatre avaient eu un poste au printemps d’après. Lui avait été élu maître de conférences à l’Institut universitaire de technologie du Havre, qui allait être son port d’attache pendant près de trois décennies, le temps d’ouvrir la filière de Lettres modernes de l’Université Le Havre Normandie – ce qui allait accessoirement lui permettre de couvrir plusieurs fois la distance de la Terre à la Lune sur la ligne de Paris-Saint-Lazare au Havre, qui est celle de La Bête humaine, et donc de s’intéresser à la fois à Jules Verne et à Émile Zola. Mais en attendant il se retrouvait au confluent de la Seine et de la Manche – la tragédie de Villequier en amont, le drame de l’exil en aval –, ce qui entrait aussi en résonnance avec son sujet de thèse, où Les Travailleurs de la mer étaient à l’honneur.

Le livre qu’il en avait tiré, sous-titré Le bricolage de l’infini, avait eu le privilège d’être publié aux PUF en 1997 avec la même maquette que Le Calcul des profondeurs de Jacques Seebacher quatre ans plus tôt, celle de la collection « Écrivains » dirigée par Béatrice Didier : divers mais tous deux marqués par la puissance de la pensée et la densité du style, l’art de l’ellipse et de la clausule, ils y sont bien à leur place, et forment pour toujours une sorte de diptyque, comme les roches jumelles des deux Douvres. Pour le bicentenaire de Victor Hugo, David Charles procura au Livre de Poche classique une nouvelle édition des Travailleurs de la mer, précédée de L’Archipel de la Manche, ce qui impliquait de se confronter à celle, indépassable en son genre, d’Yves Gohin dans la Pléiade. Pari aussi difficile à remporter que celui de Gilliatt, mais qu’il affronta avec la même intrépidité tranquille, et le même succès : près d’un quart de siècle après sa sortie, long espace de temps dans la vie d’un livre, a fortiori de poche, même classique, son édition reste la référence, et n’est pas près d’être remplacée.

Exigeant et perfectionniste, d’abord envers lui-même (il poussait ce zèle jusqu’à reprocher aux membres de son jury de thèse, dans son document d’habilitation, d’avoir été trop indulgents à son égard sur certains points), David Charles publiait toujours à bon escient des textes maîtrisés dans des ensembles choisis. La liste de ses éditeurs, au sens scientifique du terme, dresse un portrait cohérent de son univers dominé par la prose, la politique et l’histoire, de Gabrielle Chamarat à Paule Petitier en passant par Claude Millet, Jean-Louis Cabanès, les trois Alain (Corbin, Pagès, Vaillant), mais aussi Jean-Marie Mayeur, Frank Wilhelm et alii, et la revue Romantisme, où il écrivait régulièrement et dont il avait dirigé le numéro 150, en décembre 2010, intitulé La Technique.

« La connaissance de l’œuvre de Hugo est une clef qui ouvre les œuvres de ses contemporains » : suivant ce principe qu’il avait lui-même énoncé, il avait publié des articles novateurs sur Mérimée, Jules Verne et Jules Vallès. Mais sans jamais perdre Hugo de vue c’est à Zola, du côté politique et génétique, qu’il consacra l’inédit de son Habilitation à diriger des recherches, soutenue dans la salle des Actes de l’École normale supérieure le 9 janvier 2016 – première habilitation jamais délivrée en littérature par la toute nouvelle école doctorale de la rue d’Ulm, non sans peine puisque l’ordinateur central s’évertuait à le confondre avec d’autres Charles inscrits dans ses fichiers. Émile Zola et la Commune de Paris, Aux origines des Rougon-Macquart fut publié dès l’année suivante aux Classiques Garnier. Comme l’écrivait Pierre Laforgue, il y avait trouvé le moyen, « de façon aussi intelligente qu’imprévue, de configurer avec Zola un nouveau champ, en mettant à profit son expérience d’hugolien ».

Son dernier défi, et non des moindres, a été de diriger avec Claude Millet le Dictionnaire Victor Hugo paru il y a deux ans aux Classiques Garnier : une genèse étalée sur plus de deux lustres, une grosse cinquantaine de collaborateurs appartenant à trois générations de chercheurs, plus d’un millier d’entrées, près de mille deux cents pages dont cent de bibliographie… Le résultat, un pavé jaune vif pesant plus de trois livres, est une nouvelle fois à la hauteur de l’effort, prométhéen, et du sujet, Hugo : il vaut et vaudra à ses codirecteurs la reconnaissance éternelle des spécialistes comme des amateurs. Il n’en aura pourtant pas profité longtemps. Il a rejoint beaucoup trop tôt Jean-Claude Fizaine, Bernard Leuilliot, Yvette Parent et Jean-Pierre Reynaud, ses collaborateurs disparus en chemin. Son nom, qui apparaît sur la couverture et sous une cinquantaine de notices, parmi les meilleures, fera assurément à son tour l’objet d’une notice dans un prochain dictionnaire Hugo, accompagné de ces dates désormais figées, 1967-2025. Perspective qui n’enlève rien à la peine de perdre en cours de route un si bon compagnon, élégant et discret, curieux et cultivé, ferme et souriant, qui avait poussé le souci des autres, comme l’enfant de Sparte rongé par un renard auquel Victor Hugo s’identifie dans Les Voix intérieures, jusqu’à ne rien leur laisser deviner de la longue maladie qui a fini par l’emporter.

J.-M. H.